PANAFRICOM/ 2016 07 08 (16H GMT)/
“Une source militaire confie à Reuters que Saïf Al-Islam Kadhafi est toujours en prison“, titre le media russe RT ce 9 juillet !
“Saïf Al-Islam, fils de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, resterait détenu dans la prison libyenne dans laquelle il séjourne depuis la chute de son père en 2011“, a assuré une source militaire, contredisant une information parue plus tôt. « Nous démentons que Saïf Al-Islam a été libéré » a indiqué à Reuters une source militaire d’une faction de l’opposition à Mouammar Kadhafi, la puissante milice municiapale de Zentan (ou Zenten), qui maintient le fils de ce dernier en captivité depuis 2011 à Zentan, dans l’ouest libyen.
Pourtant, un avocat proche de la famille Kadhafi ainsi qu’une autre source basée à Zentan, cités par France 24, avaient assuré plus tôt que “le prisonnier avait bénéficié d’une mesure d’amnistie“. Si l’information n’était parue que quelques heures avant ce nouveau démenti, l’avocat avait assuré que “Saïf Al-Islam était libre depuis la mi-avril“. Nouvelle invraisemblable pour les spécialistes de la Libye, mais aussi reprise par tous les médias douteux du Net et certains médias russes peu soucieux de sources sérieuses …
Reste à déterminer les raisons de cette fausse info, sans doute destinée à appuyer une nébuleuse opération politique opposants les fractions islamistes libyennes . Je ferai noter que la milice-cité de Zenten est le principal point d’appui à l’Est libyen (au-delà de Tripoli vers la Tunisie) du soi-disant général Kalifa Hifter, qui avec son armée privée confisquée lors de son putsch de février 2015, dite « Armée nationale libyenne » (sic), est le principal homme fort de Washington en Libye (il est un agent de la CIA depuis la fin des années 80) et le vrai patron du gouvernement de Tobrouk. Opposé à la fois au gouvernement libyen soutenu par l’ONU de Faraj (l’ONU n’ayant fait qu’accentuer les divisions, il y a désormais 3 gouvernements en Libye) et à celui de Tripoli soutenu par la coalition islamiste Farj Libya, Hifter a tout à craindre d’un affaiblissement de Zenten, inévitable si cette fraction lâchait son otage Saif al Islam !
SAIF AL-ISLAM KADHAFI : L’OTAGE DES ISLAMISTES DE ZENTAN QUI GARANTIT UN CHANTAGE !
Seif al-Islam est détenu à Zentan, à 170 km au sud-ouest de Tripoli, depuis son arrestation en novembre 2011 par une brigade d’anciens combattants rebelles originaires de cette localité. Précisons – car de fausses nouvelles circulent sur le net – qu’il n’est d’aucune manière lié à la Résistance Verte armée ou politique libyenne et qu’il n’en est encore moins le chef ou le « guide » … Seif al-Islam, 39 ans, est aussi visé par un mandat d’arrêt de la CPI pour « crimes contre l’humanité » commis pendant la répression du coup d’état islamo-monarchiste du 15 février 2011 organisé et financé par les USA, la France et l’OTAN, et qui a été transformée en conflit armé par l’OTAN lorsque Kadhafi ne s’est pas effondré. La junte fantoche de Benghazi qui usurpait le pouvoir en Libye au nom de l’OTAN, puis les divers « gouvernements » fantoches libyens et la CPI, se disputent le droit de le juger.
Seif est en fait l’objet d’un chantage entre Ajmi al-Atiri, le chef islamiste commandant de la « brigade de Zenten », un gang islamiste armé, et les islamistes de Tripoli (et avant eux au CNT). Qui a permis à ce gang d’obtenir des positions de force dans l’Armée fantoche organisée par le CNT après la chute de Tripoli et Syrte fin 2011, et surtout d’accéder à son juteux financement par le Qatar, l’OTAN et les fonds spéciaux français (l’argent dont dispose secrètement et sans contrôle l’Elysée et le premier ministre). Depuis fin 2011, le chantage s’est poursuivit entre les chefs de Zentan et toutes les fractions qui ont successivement contrôlé Tripoli, les enjeux étant bien plus élevés et concernent directement les rapports de force entre les gangs islamistes armés qui se disputent les richesses de la Libye.
Second fils de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam Kadhafi avait aussi été condamné à mort pour «crimes de guerre et répression de manifestations pacifiques» pendant la révolte de 2011, lors d’un procès fantoche tenu en juillet 2015. Où ses geôliers de Zentan ne l’avaient évidemment pas laissé comparaître !
LE CHAOS DE LA LIBYE POST-KADHAFI SOMALISEE !
Cette affaire en dit long sur les limites étroites de l’autorité réelle des pseudo « gouvernements libyens » qui se succèdent à Tripoli ou Tobrouk, et sur le chaos qui règne en Libye. Il n’y a plus d’état, de gouvernement, d’autorité. Et ces « gouvernements » ne sont qu’une partie des nombreux gangs islamistes lourdement armés qui organisent le chaos en Libye. Sans oublier AQMI, DAECH et cie ! Ajoutons à tout cela les manœuvres concurrentes des multinationales pétrolières – la guerre est ouverte entre le français Total et les majors anglo-saxons – et les agendas divergents des USA, de la France et du Qatar.
Sans oublier les anciennes municipalités de la Jamahiriya de Kadhafi, qui après 40 ans de Démocratie Directe municipale, où tribus et anciens cadres jamahiriyens ont organisé une autonomie de fait qui ne reconnaît pas l’autorité centrale. C’est le cas à Zentan ou Misratta, comme à Bani Walid ou Sebah, où les milices d’auto-défense municipales ont chassé les gangs islamistes armés dès 2012 …
LUC MICHEL / PANAFRICOM