LM pour NNK/
Avec AFP – HBO/ 2017 08 02/
Derrière les uchronies et les séries des médias américains, l’idéologie n’est jamais absente. Et en arrière-plan la guerre culturelle yankee …
« Et si le Sud avait gagné la Guerre de Sécession ? » Voilà le préambule de la future série, déjà controversée, des créateurs de HBO (« Game of Thrones »), qui en inquiète certains en raison du traitement réservé à la question raciale. La chaîne câblée HBO, qui produit déjà « Game of Thrones », a annoncé mi-juillet avoir commandé aux concepteurs de la saga fantastico-médiévale une nouvelle série, intitulée « Confederate ».
Elle imagine que le bloc confédéré a repoussé, durant la Guerre de Sécession, l’armée de l’Union et ainsi préservé son indépendance. Un scénario sans doute inspiré (sans le dire) de la BD française « Hauteville House », qui développe la même Uchronie. L’esclavage aurait ainsi perduré dans ces Etats confédérés d’Amérique, qui se prépareraient, toujours selon les éléments de scénario dévoilés mi-juillet, à une nouvelle guerre civile contre l’Union.
DERRIERE LE SCENARIO DE ‘CONFEDERATE’ UNE QUESTION RACIALE TOUJOURS BIEN ACTUELLE AUX USA !
Dès l’annonce de la mise en chantier de cette nouvelle série, dont les premiers épisodes doivent être diffusés après la dernière saison de « Game of Thrones », en 2018 ou 2019, les critiques se sont multipliées sur les réseaux sociaux. « Les mêmes personnes qui donnent dans les scènes gratuites de viols et qui n’ont aucun personnage important de couleur vont aborder l’esclavage des Noirs avec nuance », a notamment ironisé la militante April Reign, à l’origine du mot-clé #OscarsSoWhite qui avait dénoncé le manque de diversité dans la liste des nominations aux Oscars 2016. L’activiste faisait référence à « Game of Thrones », série la plus populaire au monde, et à ses créateurs, David Benioff et D.B. Weiss, qui seront épaulés sur le projet « Confederate » par les producteurs Nichelle Tramble Spellman (qui a travaillé sur la série « The Good Wife ») et Malcolm Spellman (« Empire »), tous deux noirs.
L’affaire a pris une telle ampleur que le mot-clé #NoConfederate a été lancé sur les réseaux sociaux. Il est même arrivé en tête des termes les plus utilisés aux Etats-Unis sur Twitter dimanche soir, lors de la diffusion sur HBO du troisième épisode de la septième saison de « Game of Thrones ».
« L’IMAGINAIRE DES HOMMES BLANCS »
Interrogé par un internaute sur l’éventualité de participer à « Confederate », l’acteur noir Don Cheadle a expliqué que « cela dépendrait du rôle. Comme toujours ». « Mais je suis plus que sceptique quant au projet en général », a-t-il prévenu sur Twitter. Pour Stephane Dunn, professeur au Morehouse College, le postulat même pose problème, « dans la mesure où nous vivons dans une société qui a toujours une orientation vers la suprématie blanche enracinée en elle ».
« Nous avons un grand respect pour le débat et les inquiétudes exprimées au sujet de +Confederate+ », a réagi HBO dans une déclaration écrite, transmise à l’AFP, sans évoquer un éventuel renoncement. « Nous avons confiance dans le fait que Nichelle, Dan, David et Malcolm vont aborder ce sujet avec soin et sensibilité. Le projet en est aujourd’hui à ses débuts, donc nous espérons que les gens vont se garder de juger avant qu’il n’y ait quelque chose à voir. »
LE SUCCES DES UCHRONIES
L’uchronie, « l’histoire reconstruite telle qu’elle aurait pu se produire », est à la mode à la télévision: « La servante écarlate » (Hulu) a connu un immense succès critique, tout comme « Le Maître du Haut Château » (Amazon) et « SS-GB » (BBC). Toutes ces séries ont été lancées depuis deux ans. La série d’Amazon imagine les Etats-Unis conquis par les nazis et par leurs alliés japonais, celle de la BBC l’invasion du Royaume-Uni par les nazis. Dans la ligne du « Fatherland » (roman et film) de Robert Harris.
Dans le cas de « Confederate », la polémique dépasse le seul sujet du traitement télévisuel de l’esclavage et concerne tout autant l’insuffisante diversité derrière la caméra, même si MM. Benioff et Weiss ont fait appel à deux producteurs noirs. Une polémique du même ordre est née autour du film « Detroit » (qui évoque les émeutes dans cette ville en 1967 et la répression qui a visé la communauté noire) car la réalisatrice et toute l’équipe de production étaient blanches.
Pour l’artiste et militante Bree Newsome, le mouvement d’opposition à « Confederate » « n’est pas qu’une question historique », a-t-elle tweeté dimanche. « C’est aussi lié au fait que (le genre) fantasy est limité à l’imaginaire des hommes blancs ». « +Confederate+ et d’autres donnent du crédit aux gens qui dénoncent le fait que des réalisateurs blancs ou des chaînes blanches conduisent de tels projets, mais c’est parce qu’ils ont été vraiment mal faits » par le passé, explique Stephane Dunn. « Il y a un historique », résume-t-il.
LM / NNK
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