LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2017 11 23/
« L’armée libanaise en plein état de guerre avec Israël », commentait Reuters ce mardi …
« Le Chef d’Etat-Major de l’armée libanaise demande à ses troupes de se mettre en état de préparation maximale à la guerre à la frontière d’Israël ». Il exhorté ses troupes « à un état de pleine préparation à la frontière sud, afin de faire face aux menaces de l’ennemi israélien et à ses violations », déclare l’armée libanaise dans un tweet ce mardi 21 novembre. Le général a également averti qu’Israël avait « des intentions hostiles contre le Liban, son peuple et son armée ».
« Avertissement », dit Reuters : « les bruits de bottes à forte résonance nationaliste peuvent aussi servir à masquer le creusement d’une faille intérieure, qui date de l’annonce-surprise de sa démission par Saad Hariri, depuis une terre étrangère, en l’occurrence : l’Arabie Saoudite, Commandeur des 27% de Sunnites libanais, face aux 27% de Chiites, à majorité inféodés au Hezbollah ».
Le véritable bras de fer se joue entre la Ligue Arabe et le Hezbollah :
« L’armée libanaise se porte en bouclier de l’unité de la nation, mais redoute, non sans raison, que conformément aux grandes manœuvres de septembre et à l’accumulation d’indices concordants, comme : la proposition d’échanges de renseignements avec l’Arabie Saoudite, ou l’article du Daily Mail parlant du couronnement proche de Mohammed Bin Salman, suivi d’une tentative d’enrôlement de Tsahal pour une guerre contre le Hezbollah, le temps des conflits subisse une accélération et que le Liban soit pris au dépourvu. »
Le Times of Israel lui révèle les peurs cachées de Tsahal : « Le Hezbollah est devenu le grand marionnettiste des mouvements de troupe de l’armée iranienne, comme le principal pourvoyeur, du reste, de l’armée syrienne d’Assad », affirme-t-il. « En ce sens, ces gesticulations frontalières pourraient aussi servir de camouflage à l’acheminement de moyens logistiques set balistiques du Hezbollah, plus près de la frontière et à l’insu de son plein gré, pour la FINUL, qui n’a jamais servi à grand-chose qu’à compter les points ».
Tsahal se sent sûre d’elle, tellement qu’elle se croit invincible : « Quoi qu’il en soit, Beyrouth n’aurait aucun intérêt à déclenché de lui-seul, une guerre contre Israël, qu’il perdrait aussi tôt qu’il ne l’aurait déclenché, par la destruction systématique de ses infrastructures, en même temps que celles du Hezbollah. Celui-ci doit d’abord revenir de Syrie et panser ses plaies avant d’envisager d’ouvrir un second front qui ne le serait qu’à son détriment. L’armée syrienne ne pourrait non plus venir en renfort, pas plus que les Gardiens de la Révolution ne sont suffisamment implantés dans la région ». Tout en cherchant à se rassurer : « Avec toutes les précautions déjà prises à la frontière libano-israélo-syrienne, gageons qu’il s’agit surtout de grandes manœuvres intérieures pour jouer la comédie de la “souveraineté” : mythe libanais qui n’a plus cours depuis bien longtemps… Ce branle-bas de combat, mimant l’unité de façade, ne devrait éveillé qu’un bâillement du lion israélien ». Les israéliens ont, au Liban, la mémoire bien courte …
UN CONTEXTE GEOPOLITIQUE PLEIN D’INCERTITUDES
Cette tension survient au lendemain du jour où le Président libanais Michel Aoun est apparu pour prendre la défense du Hezbollah autant que nécessaire afin de résister à Israël, à la suite d’un communiqué de la Ligue Arabe accusant le groupe « de terrorisme » et soulignant « qu’il fait néanmoins partie de la coalition gouvernementale du Liban ». « La démultiplication des cibles désignées par Israël (en Syrie) se poursuit et c’est le droit des Libanais de lui résister et de déjouer ses plans par tous les moyens disponibles », a déclaré le bureau de la Présidence, selon une citation relevée dans un tweet.
L’Arabie Saoudite, le grand rival régional de l’Iran, puissance régionale émargente, s’oppose au rôle du Hezbollah en tant que force militaire en Syrie et elle a accusé le Hezbollah « d’aider les insurgés houtis et d’autres djihadistes chiites au Bahrein ». La Ligue Arabe, sous influence saoudienne, s’est réunie dimanche pour discuter de ce qu’elle désigne comme « l’ingérence iranienne dans les affaires des pays arabes » et a accusé « l’allié et subalterne de Téhéran, le Hezbollah, de terrorisme ».
Aoun a rétorque qué le Liban « ne peut pas accepter les suggestions disant que son gouvernement est complice d’actes de terrorisme », selon un autre tweet citant le Secrétaire Général de la Ligue, Ahmed Aboul Gheit, après cette réunion de la Ligue Arabe.
L’Egyptien Aboul Gheit a rectifié en disant à Beyrouth que « personne n’accuse le gouvernement libanais stricto sensu de terrorisme ni ne veut porter préjudice au Liban ». « L’un des partenaires dominants est accusé de cela… c’est un moyen indirect de demander à l’Etat libanais de parler avec ses partenaires et de les convaincre (l’Iran) de restreindre leurs actes (de guerre) sur les terres arabes », a t-il déclaré. « Tout le monde reconnaît la particularité de la situation libanaise (et le rôle politico-militaire central du Hezbollah pro-iranien).
Le Liban est en outre confronté à une crise politique sans précédent, à la suite de la démission brutale de son Premier Ministre Saad Hariri le 4 novembre 2017, dans une déclaration télévisée depuis l’Arabie Saoudite. Sa déclaration de démission a clairement accusé « l’Iran et le Hezbollah de semer le chaos et la discorde » dans les pays arabes.
L’armée libanaise est considérée comme une force largement inefficace. Mais au Liban, les forces du Hezbollah sont par contre « les mieux armées et les plus endurcies ». Le Hezbollah est soutenu par l’Iran, et son aile politique, alliée au Parti ba’ath libanais d’obédience syrienne, fait partie du gouvernement libanais.
HARIRI ET LES SAOUDIENS PLONGENT LE LIBAN DANS UNE CRISE POLITIQUE GRAVE
L’appel d’Aoun pour que ses troupes soient prêtes pour une attaque israélienne survient au milieu de tensions croissantes entre Israël et le Hezbollah ainsi qu’une crise politique entre Beyrouth et l’Arabie saoudite, déclenchée par la démission depuis Riyad du Premier ministre libanais Saad Hariri (vieil allié des saouds et des occidentaux). En démissionnant, Hariri a cité « l’ingérence de l’Iran et de son ami le Hezbollah dans la région », ainsi que les craintes pour sa vie. Sa démission du 4 novembre annoncée depuis la capitale saoudienne est largement considérée comme ayant été orchestrée par le royaume du Golfe.
Le Hezbollah a affirmé ces dernières semaines que « l’Arabie saoudite pressait Israël d’attaquer le Liban ». La Ligue arabe a elle condamné ce lundi l’Iran et son mandataire, le Hezbollah, qu’il a accusé de « terrorisme » et de soutenir des « groupes terroristes dans toute la région ».
En réponse à la condamnation de la Ligue arabe, le président libanais a défendu le Hezbollah, affirmant que son pays avait été soumis à « l’agression israélienne pendant des décennies et avait le droit de se protéger » : « Le Liban a été capable de faire face à l’agression israélienne depuis 1978 jusqu’à la guerre de 2006. Il a été capable de libérer sa terre. Les menaces israéliennes sont toujours en cours. Les Libanais ont le droit de la combattre et de la contrecarrer avec tous les moyens disponibles », a déclaré Michel Aoun.
Pendant ce temps, Israël, le grand bénéficiaire de la déstabilisation du Liban par les Saouds, a déclaré « qu’il ne permettrait pas au Hezbollah – qui se bat en Syrie au nom du gouvernement du président Bachar al-Assad – d’être présent à sa frontière avec la Syrie ». Il a également déclaré que « toute attaque du Hezbollah contre Israël serait considérée comme une attaque provenant du Liban lui-même ».
Cependant Israël et le Hezbollah, ont tous deux déclaré qu’ils n’étaient pas intéressés par une guerre en ce moment. Ce qui ne va pas dans le sens des plans saoudiens. Lundi, le ministre de la Défense israélien, Avigdor Liberman, a exhorté les législateurs « à augmenter les dépenses militaires de plus de 1 milliard de dollars au cours des trois prochaines années », citant l’évolution de la situation en Syrie, notamment « la présence iranienne accrue dans le pays ». Le ministre de la Défense a noté des « pénuries importantes du nombre d’abris anti-aériens dans le nord d’Israël », qui serait la partie du pays la plus touchée par une éventuelle guerre contre le Hezbollah.
UN RETOUR QUI NE CLARIFIE RIEN
La démission de Hariri a été interprétée comme un nouveau bras de fer entre les parrains régionaux des deux camps rivaux au Liban: l’Arabie saoudite qui soutient Hariri, et l’Iran qui appuie le Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise.
De retour à Beyrouth, Saad Hariri a annoncé ce mercredi qu’il suspendait sa démission surprise, en attendant des consultations sur des dossiers épineux dont l’implication dans des conflits régionaux du puissant Hezbollah pro-iranien, partenaire de son gouvernement. Cette décision, faite au lendemain de son retour au pays, ne clarifie rien au Liban « pris de court par sa démission annoncée le 4 novembre depuis Ryad, où son séjour prolongé avait alimenté les spéculations sur une interdiction de voyage ». Dans ses interventions à Beyrouth, Hariri n’a pas évoqué les accusations du président Michel Aoun selon lesquelles il avait été « retenu en otage » en Arabie saoudite. Des accusations qu’il avait niées durant son séjour à Ryad.
Le visage grave, M. Hariri s’est exprimé dans une brève allocution télévisée, appelant au « dialogue » dans un pays miné par les crises politiques à répétition opposant les deux principaux blocs, celui emmené par M. Hariri et celui dirigé par le Hezbollah. « J’ai discuté de ma démission avec le président de la République qui m’a enjoint d’attendre avant de la présenter pour permettre davantage de consultations. J’ai accepté cette requête », a dit Hariri à l’issue d’un entretien avec le président Michel Aoun. Hariri a appelé à éloigner le Liban des conflits au Moyen-Orient et à respecter une « politique de distanciation », une allusion claire à l’intervention du Hezbollah dans la guerre en Syrie voisine au côté du régime.
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