LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
2019 01 03/
J’annonçais dans mes analyses prévisionnelles pour 2019 (1) que Taiwan serait la grande crise de l’année. A peine publiée, l’actualité rattrapait ma prévision : « Xi Jinping intransigeant face à Taïwan, vouée à la « réunification »… » titrait l’AFP dès ce 2 janvier …
# PARTIE I :
XI JINPING CONTRE LES ‘SEPARATISTES TAIWANAIS’ ET LEURS SOUTIENS EXTERIEURS
« Taïwan sera réunifiée à la Chine », a promis ce mercredi le président chinois Xi Jinping, défiant son homologue taïwanaise en réaffirmant que « Pékin ne renoncerait pas à la force » pour récupérer l’île. « Nous ne promettons pas de renoncer au recours à la force et nous nous réservons le droit de prendre toutes les mesures nécessaires », a déclaré le numéro un chinois lors d’un discours dans le cadre solennel du Palais du peuple à Pékin. Dans le viseur de l’homme fort de Pékin: les « forces extérieures » (les lobbies chinois anti-communistes aux USA – qui ont soutenu l’élection de Trump – et anglo-saxons) qui agissent contre la réunification pacifique, ainsi que « les actions indépendantistes et séparatistes ».
PEKIN VS TAIPEI
Taïwan et le continent sont gouvernés séparément depuis 1949, avec la fin de la guerre civile chinoise et la prise du pouvoir par les communistes sur le continent. Les nationalistes de Tchang Kaï-chek (2), alliés étroits des USA, ayant pu s’établir sur l’Ile de Formose et s’y établir avec l’appui américain. Il y avait désormais deux Chines ! Pékin considère toujours l’île comme l’une de ses provinces et menace de recourir à la force en cas de proclamation formelle d’indépendance à Taipei ou d’intervention extérieure — notamment de la part des Etats-Unis, principal appui militaire de l’île. « L’indépendance de Taïwan ne pourra conduire qu’à une impasse », a prévenu Xi. « La Chine doit être réunifiée et elle le sera ».
Pékin s’oppose particulièrement à l’actuelle présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, qui depuis son arrivée au pouvoir en 2016 refuse de reconnaître « l’unité de principe de l’île et du continent », comme le réclame Pékin. « Le peuple taïwanais chérit les valeurs démocratiques, c’est son mode de vie », a répliqué mercredi Mme Tsai lors d’une conférence de presse. Elle a accusé Pékin de « provocation », lui reprochant « d’avoir acheté ces derniers mois quelques uns des derniers alliés diplomatiques de Taïwan » et d’avoir multiplié les manoeuvres militaires près de l’île. « Si le gouvernement chinois ne traite pas son peuple avec bienveillance, ne peut garantir les droits de l’homme et s’il ne laisse pas son peuple voter… Alors les Taïwanais verront avec suspicion les intentions de la Chine », a réagi de son côté le ministère taïwanais des Affaires étrangères.
LE ‘PRINCIPE DE LA CHINE UNIQUE’, FONDAMENTAL POUR PEKIN
Certains membres du Parti démocratique progressiste (PDP), la formation de Tsai Ing-wen, plaident pour l’indépendance formelle de l’île, dont l’appellation officielle reste « République de Chine ». « S’écarter du principe de la Chine unique conduirait à la tension et au chaos dans les relations inter-détroit et nuirait aux intérêts vitaux des compatriotes de Taïwan », a averti Xi Jinping. « Nous ne laisserons jamais aucune place aux actions séparatistes en faveur de l’indépendance de Taïwan ».
Afin de parvenir à un « consensus autour de la réunification », Xi Jinping a évoqué « un vaste dialogue regroupant toutes les couches de la société » … mais sur la base de « la reconnaissance préalable du principe de la Chine unique ». Ce que refuse le PDP de Mme Tsai !
Par son discours « au ton menaçant » (dixit l’AFP, nous verrons ce qu’il en est), Xi Jinping risque au contraire « de prendre les Taïwanais à rebrousse-poil », pronostique même un expert occidental (proche du Vatican). Selon lui, « le pouvoir chinois cherche à éloigner les électeurs taïwanais du PDP, au profit du Kuomintang (KMT), considéré comme plus favorable à la réunification chinoise ». le KMT est l’ancien parti de Tchang Kaï-chek.
« UN PAYS, DEUX SYSTEMES » (COMME A HONG-KONG)
Dans son discours, Xi Jinping s’est cependant gardé de fixer une date limite pour parvenir à la réunification. Comme feuille de route, Xi a repris pour modèle la méthode « Un pays, deux systèmes » qui prévaut depuis 1997 pour le retour de Hong Kong dans le giron chinois. Une formule qui hérisse les indépendantistes taiwanais. « Un tel rapprochement ne risque pas de convaincre grand monde », observe la députée hongkongaise Claudia Mo (anti-Pékin). La Chine serait « en train d’avaler Hong Kong dans tous les domaines mais explique que Hong Kong est un excellent exemple pour Taïwan. C’est une blague », estime-t-elle.
LES PROVOCATIONS DES ‘SEPARATISTES’ TAIWANAIS
A lire l’AFP (qui reprend des infos diffusées dans tous les médias occidentaux), Xi Jinping serait l’agresseur ou le provocateur. Mais en réalité, il ne fait que répondre à une vaste campagne indépendantiste lancée à Taiwan en octobre dernier ! « Taïwan prépare une manifestation sur l’indépendance, drapeau rouge au nez de Pékin », titrait la même AFP le 17 octobre 2018. « En tout cas, il s’agira d’un défi lancé à Pékin et d’un casse-tête pour le gouvernement de l’île », commente encore l’AFP.
Ce rassemblement se tenait alors que la Chine devient de plus en plus dure face à Taïwan. La présidente Tsai Ing-wen marche quant à elle sur des oeufs, prise entre l’enclume du géant asiatique et le marteau des indépendantistes. La Chine continentale et Taïwan sont dirigés par des régimes rivaux depuis 1949, après une guerre civile entre communistes établis à Pékin et nationalistes du Kuomintang (KMT) réfugiés finalement à Taipei. La Constitution actuelle de Taïwan héritée du KMT définit l’île comme la « République de Chine » représentant toute la Chine, pas une entité séparée.
Les manifestants ont exigé un référendum sur une déclaration officielle d’indépendance, à l’appel de la ‘nouvelle Alliance Formose’, soutenue par les anciens présidents Lee Teng-hui et Chen Shui-bian. C’était la première manifestation potentiellement importante pour demander que les Taïwanais votent sur l’indépendance depuis que l’île est devenue une démocratie il y a plus de 20 ans (3). « Chaque Taïwanais doit pouvoir choisir l’avenir de Taïwan. La décision appartient aux 23,57 millions de Taïwanais, pas à la Chine et (à son président) Xi Jinping », souligne Kuo Pei-horng, qui dirige l’Alliance. Taïwan se considère comme un Etat souverain mais n’a jamais déclaré son indépendance. Pékin a prévenu « qu’il userait de la force » si Taïwan tentait un divorce officiel. La Chine a aussi averti l’Alliance qu’elle ne devait pas poursuivre sur cette « voie dangereuse ». Huang Kuo-chang, président du ‘Parti du nouveau pouvoir’ qui a fait ses armes lors du mouvement anti-Pékin dit « des Tournesols » en 2014 (une version taiwanaise des ‘révolutions de couleur’), enjoint la population à manifester « pour dire non aux ambitions d’annexion de l’île par la Chine ».
Pékin est déjà courroucé par un référendum prévu en novembre sur une participation de l’île aux jeux Olympiques et autres compétitions sportives internationales sous la bannière « Taïwan ». La Chine est particulièrement susceptible quand il s’agit de l’utilisation de certains noms ou emblèmes considérés comme l’expression de la souveraineté taïwanaise. Sous la pression de Pékin, Taïwan doit concourir sous l’appellation « Taipei chinois ».
LES SEPARATISTES TAIWANAIS VEULENT UN REFERENDUM D’INDEPENDANCE …
Le Parti démocratique progressiste (PDP) dont est issue Mme Tsai penche traditionnellement du côté de l’indépendance mais celle-ci est favorable au maintien du status quo. Ce qui n’a pas empêché les relations de devenir glaciales depuis son arrivée au pouvoir. Mme Tsai refuse d’avaliser la ligne de Pékin, à savoir que Taïwan fait partie d’une « Chine unique ». Pékin attaque sur de multiples fronts diplomatiques et internationaux « pour bouter l’île hors de l’arène internationale », en l’empêchant de participer à des conférences mondiales, en lui arrachant un par un ses alliés diplomatiques (notamment en Afrique). « Mais par son approche mesurée, Mme Tsai s’est fait des ennemis parmi les indépendantistes du PDP », dit un expert occidental. D’après Jonathan Sullivan, directeur des programmes chinois à l’Université de Nottingham, « les exigences de référendums sur les JO et l’indépendance reflètent leur déception. Ces tentatives symbolisent la frustration croissante face à une chef de parti précautionneuse punie par la Chine alors même qu’elle fait l’effort d’être prudente et conservatrice dans les relations bilatérales »v (dit-il à l’AFP). « Quoi qu’il en soit, le sujet est épineux » …
Pour tenir un vote public sur l’indépendance, il faudrait amender la loi qui interdit les référendums sur les changements constitutionnels et de souveraineté. D’après les analystes, il est peu probable que Mme Tsai fasse amender la loi, car cela reviendrait à agiter un drapeau rouge au nez de Pékin. Le PDP avait interdit à ses représentants et ses candidats de participer à la manifestation qui s’est tenue devant le siège du parti, dans le centre de Taipei. Les indépendantistes considèrent qu’il est urgent d’agir malgré tout car c’est la première fois que le PDP détient à la fois l’exécutif et la majorité parlementaire. « C’est l’âge d’or pour faire avancer la cause indépendantiste », explique Chang Ya-chung, analyste à l’Université nationale de Taïwan.
LA MANIFESTATION DU 20 OCTOBRE 2018 :
UN DRAPEAU ROUGE AGITE DEVANT PEKIN
Des dizaines de milliers de personnes sont finalement descendues dans la rue le 20 octobre pour réclamer un référendum sur l’indépendance de Taïwan, une manifestation d’une ampleur inédite qui a défié Pékin. Selon les organisateurs, la manifestation a rassemblé plus de 100.000 personnes. Les manifestants se sont massés devant le siège du Parti démocratique progressiste (PDP) au pouvoir, agitant des drapeaux et des pancartes pour un « Référendum d’indépendance » et scandant des slogans tels que « Nous voulons un référendum » et « Non à l’annexion ! ».
On voit là que Xi Jinping n’est pas l’agresseur ou le provocateur mais celui qui a été provoqué. Ceci d’autant plus que derrière les ‘séparatistes’ de Taiwan il y a de puissants lobbies aux USA et en Grande-Bretagne. Et que ceux-ci sont très proches de Trump …
NOTES ET RENVOIS DE LA PARTIE I :
(1) Cfr. sur LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/
ANALYSE GEOPOLITIQUE PROSPECTIVE : 2019. VERS UN MONDE ENCORE PLUS INSTABLE ET DANGEREUX
(2) Tchang Kaï-chek, ou Chiang Kaï-Shek, (31 octobre 1887 – 5 avril 1975) est un militaire et homme d’État chinois qui fut l’un des principaux représentants du Kuomintang après la mort de Sun Yat-sen (le fondateur de la République chinoise) en 1925. Il fut le chef militaire – avec le titre de généralissime – et, à diverses périodes et en alternance, le chef du gouvernement et le président de la « Première République » puis, jusqu’à sa mort, le président de la « république de Chine » à Taïwan.
En septembre 1949, la victoire des communistes est totale sur le continent, la République populaire de Chine est déclarée le 1er octobre 1949 à Pékin. En décembre 1949, Tchang déplace son gouvernement à Taipei, devenue capitale de fait de république de Chine (Taïwan), où il reprend de manière officielle ses fonctions de président de la République le 1er mars 1950. Un temps isolé sur la scène politique internationale, abandonné par les États-Unis, il s’est à nouveau imposé comme un allié de poids au moment de la guerre de Corée et des risques d’extensions de la menace communiste en Asie. En 1967, il s’associe à la fondation de la Ligue anticommuniste mondiale. Tchang Kaï-chek reste à la tête de la république de Chine à Taïwan jusqu’à sa mort en 1975, et continue de revendiquer la souveraineté sur l’ensemble de la Chine.
(3) Malgré une constitution théoriquement démocratique, le gouvernement de Tchang Kaï-chek demeure dictatorial, basé sur un système de parti unique et de loi martiale. Il impose également une culture chinoise standard, en interdisant à l’école et dans les médias l’usage des dialectes taïwanais. La « terreur blanche » qu’il déclenche contre ses adversaires politiques fait des dizaines de milliers de victimes. Sa présidence voit cependant un fort développement de l’économie de Taïwan grâce au commerce extérieur. En 1978, son fils Chiang Ching-kuo devient à son tour président de la République, et donne le coup d’envoi de la démocratisation du régime.
(Sources : AFP – Xinhua – PCN-TV – EODE Think Tank)
LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE
* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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